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Le "fosétyl-aluminium" dans le cadre de la gestion du gazon

Découvrez dans cet article un focus sur les propriétés de la matière active contenue dans les produits Aliette Green et Signature Xtra Stressgard.

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En 2023, les seuls fongicides homologués sur les gazons à base de phosphonates sont l’Aliette Green (Pythiums) et le Signature Xtra Stressgard (fusariose froide, rhizoctoniose, anthracnose). La matière active de ces deux produits possède quelques propriétés uniques qu’il est intéressant de connaître afin de bien les utiliser. 
Voici dans cet article l’état des connaissances sur la matière active dans le cadre de la gestion des pathogènes du gazon.

 

Du fosétyl-aluminium aux phosphonates

Une fois absorbée, la matière active (fosétyl-aluminium) est rapidement hydrolysée en acide phosphoreux puis en phosphonates (aussi appelé « phosphites »). Les effets de ces derniers commencent aujourd’hui à être bien étudiés sur gazon depuis les publications scientifiques récentes entre autres issues des travaux du Dr. John J. Dempsey1–3.

Parmi les matières actives homologuées sur gazon, les phosphonates ont l’avantage unique d’être véhiculés dans les deux courants de sève avec des systémies ascendantes (dans le xylème, c’est le cas d’autres fongicides systémiques) et surtout descendantes (dans le phloème, propriété rare).

Absorption et translocation des phosphonates dans les gazons

Une fois pulvérisé, le produit est capable de migrer vers les zones de croissance foliaires par systémie ascendante mais également vers les racines par systémie descendante, protégeant ainsi l’intégralité de la plante.

L’étude très récente du Dr. John J. Dempsey décrit précisément l’absorption et la translocation des phosphonates dans le pâturin annuel et l’agrostide stolonifère2.

Le pic de concentration (100%) des phosphonates dans les tissus foliaires après application est de 48 heures pour le pâturin annuel et l’agrostide stolonifère. L’absorption de la matière active est très rapide avec plus de la moitié de la concentration foliaire finale absorbée dans les 6 premières heures.

Une fois dans les tissus foliaires, les phosphonates sont stables et ne sont pas métabolisés ou convertis en phosphates mais seulement retirés physiquement au fur et à mesure de la croissance du gazon lors des tontes. En période de faible croissance (février), plus de la moitié de la concentration maximale obtenue 48 heures après application est toujours présente 2 semaines après application pour les deux espèces de gazon. En période de plus forte croissance (juillet) les phosphonates sont plus rapidement retirés par les tontes successives et c’est encore un quart de la valeur maximale qui est encore présent 2 semaines après applications. 6 semaines après applications, ils sont toujours présents dans la plante (entre 4 et 17% suivant la période et l’espèce).

Une fois appliqués par voie foliaire, les phosphonates sont rapidement mobilisés vers les racines et ceci dès 6 heures après application. Ces derniers se concentrent moins dans les racines (concentration toutefois suffisante pour contrôler certains pathogènes comme les oomycètes) mais leur persistance dans cette partie de la plante est plus longue. En effet, le maximum de concentration est observé 2 semaines après applications. 6 semaines après application, on retrouve encore 17% à 70% de la concentration maximale suivant la croissance et l’espèce. Enfin, le pâturin annuel concentre et accumule plus de phosphanate dans les racines que l’agrostide stolonifère.

Devenir des phosphonates dans le sol

Il a été démontré que les phosphonates sont stables dans les tissus foliaires et ne sont pas convertis en phosphates dans la plante2. Ils ne constituent donc pas à court terme une source de phosphore pour le gazon.

A noter que dans les sols déficients en phosphore (cas relativement rares, probablement en-dessous des 30 mg/kg de P2O5 avec la méthode Joret-Hébert) les applications de phosphonates sont déconseillées. Ces derniers entrent en compétition avec les phosphates issus des engrais dans le système de transport du gazon. Les phosphonates inhibent alors la croissance foliaire et racinaire en empêchant la plante de réagir normalement face à une situation de carence en phosphore

Toutefois et sur le long terme, lorsque les tissus foliaires arrivent au sol (déchets de tontes ou racines en décomposition) les phosphonates présents sont ensuite transformés en phosphates par les microorganismes du sol et constituent ainsi une source de nutrition non négligeable pour les gazons.


Mode d’action direct des phosphonates sur les champignons pathogènes

Les effets des phosphonates sur les pathogènes du gazons sont connus historiquement pour les oomycètes (dont les Pythiums sur gazon4,5, usage initiale de l’Aliette Green) l’anthracnose5–7 mais surtout étudiés récemment sur fusariose froide à partir de 20101–3,8,9.

Plusieurs études ont en effet montré l’efficacité des phosphonates sur des souches de Pythiums et anthracnose sur raygrass et agrostide stolonifère. Les résultats montrent notamment une action directe in-vitro sur les deux champignons pathogènes avec une réduction de la croissance mycélienne en présence de phosphonates4,10.

Alors que l’efficacité sur fusariose froide a déjà été décrite9, aucune publication scientifique n’avait étudié le mode d’action direct des phosphonates sur les pathogènes du gazon avant 2018. La publication du Dr. John J. Dempsey a démontré que les phosphonates suppriment la croissance mycélienne avec une transformation de la morphologie des hyphes et diminuent la capacité germinative des spores de la fusariose froide1. L’effet constaté est temporaire sur la croissance mycélienne (action fongistatique) c’est-à-dire que celle-ci reprend après une certaine période d’où l’intérêt de répéter les applications en cas de pression de la maladie.

Différentes hypothèses tentent de décrire ce mode d’inhibition direct :

  • Une étude sur Phytophtoraa montré que les phosphonates interfèrent avec le métabolisme des phosphates en causant une accumulation de pyrophosphates et polyphosphates11.
  • Une autre a montré (toujours sur Phytophtora) que les phosphonates inhibent certaines enzymes de la voie des pentoses phosphates, une des quatre voies métaboliques principales du métabolisme énergétique12.

C’est très probablement ce mode d’action qui explique les propriétés curatives des phosphonates.

 

Mode d’action indirect des phosphonates : stimulation des défenses naturelles

Alors que le mode d’action indirect des phosphonates est décrit sur d’autres cultures, ce dernier n’a été décrit que récemment sur les gazons par les travaux du Dr. John J. Dempsey3. L’application de phosphites sur agrostide stolonifère et pâturin annuel engendre une synthèse et une accumulation de composés phénoliques dans la plante ainsi qu’une production de peroxyde d’hydrogène (H2O2), composés impliqués dans le système de défense naturelle des plantes (synthétisés normalement en présence d’un pathogène).

Les phosphonates agissent ainsi comme stimulateurs des défenses naturelles en déclenchant l’ensemble des réactions naturelles de défense du gazon. Pour être effectif, ce mode d’action implique toutefois la répétition des traitements3,13, dans quel cas l’accumulation de ces composés phénoliques est plus importante que pour une seule application.

C’est ce mode d’action qui explique en partie les propriétés préventives des phosphonates.


Références

1. Dempsey, J. J., Wilson, I., Spencer-Phillips, P. T. N. & Arnold, D. Suppression of the in vitro growth and development of Microdochium nivale by phosphite. Plant Pathol 67, 1296–1306 (2018).

2. Dempsey, J. J., Wilson, I., Spencer-Phillips, P. T. N. & Arnold, D. L. Uptake and translocation of foliar applied phosphite and its effect on growth and development in cool season turfgrass. Journal of Plant Nutrition 0, 1–20 (2022).

3. Dempsey, J. J., Wilson, I., Spencer-Phillips, P. T. N. & Arnold, D. L. Phosphite mediated enhancement of defence responses in Agrostis stolonifera and Poa annua infected by Microdochium nivale. Plant Pathology 00, 1–10 (2022).

4. Cook, P. J., Landschoot, P. J. & Schlossberg, M. J. Inhibition of Pythium spp. and Suppression of Pythium Blight of Turfgrasses with Phosphonate Fungicides. Plant Disease 93, 809–814 (2009).

5. Cook, J., Landschoot, P. & Schlossberg, M. Phosphonate products for disease control and putting green quality How does potassium phosphite stack up against fosetyl-AI in controlling Pythium blight and anthracnose basal rot ? Golf Course Management July, 93–96 (2006).

6. Cook, J., Landschoot, P. & Schlossberg, M. J. Suppression of anthracnose basal rot symptoms and improved putting green quality with phosphonate fungicides. International Turfgrass Society Research Journal 11, 181–194 (2009).

7.  Rossi, F. S., Hsiang, T. & Clarke, B. B. Best management practices for anthracnose on annual bluegrass turf. Golf Course Management August 2008, 93–104 (2008).

8.  Mattox, C. M., Kowalewski, A. R., McDonald, B. W., Lambrinos, J. G. & Pscheidt, J. W. Combinations of rolling, mineral oil, sulfur, and phosphorous acid affect Microdochium patch severity. Agronomy Journal 112, 3383–3395 (2020).

9.  Dempsey, J. J. & Owen, A. A. G. The Effect of Phosphite Treatments on the Growth and Disease Susceptibility of Agrostis stolonifera L. (2010).

10.  Cook, P. J. Inhibition of Pythium spp. and suppression of Pythium blight and anthracnose with phosphonate fungicides. Thèse de Master Pennysylvania State University, 69 p. (2009).

11. NIERE, J. O., DEANGELIS, G. & GRANT, B. R. The effect of phosphonate on the acid-soluble phosphorus components in the genus Phytophthora. Microbiology, 140, 1661–1670 (1994).

12.  Stehmann, C. & Grant, B. R. Inhibition of Enzymes of the Glycolytic Pathway and Hexose Monophosphate Bypass by Phosphonate. Pesticide Biochemistry and Physiology 67, 13–24 (2000).

13.  Koch, P. L. & Hockemeyer, K. Iron sulfate and phosphite products fail to suppress snow mold on amenity turfgrass in Wisconsin. Crop, Forage & Turfgrass Management 7, e20138 (2021).

Romain GIRAUD, Agronome et auteur de la Clinique du Gazon

Titulaire d’un Master obtenu à la faculté de géosciences et l’école supérieure d’agronomie de Rennes, Romain travaille depuis plus de 11 ans pour l’industrie du gazon. Il a été responsable R&D pendant 8 ans chez un distributeur d’engrais/semences/produits phytosanitaires puis chargé de recherche en agronomie depuis 3 ans pour un des leaders français de la construction et maintenance des terrains de sports. Passionné par les pathologies du gazon, les outils de monitoring et la fertilisation de précision, il est également auteur du blog la « Clinique du Gazon » sur lequel il synthétise les résultats des recherches sur le gazon disponibles à travers le monde.   
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