Comment lutter contre les maladies et adventices estivales ?

Le mois de Mai aura été le plus chaud en France avec en moyenne des températures supérieures aux normales de 3 degrés. Ce mois aura également été extrême par sa pluviométrie déficitaire le plaçant parmi les mois records en termes de sécheresse avec mai 1989, 2011 et 1976.

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Dollar Spot : conditions météorologiques favorables

Outre des évapotranspirations élevées pour la saison qui auront nécessité des arrosages parfois conséquents, le cumul des températures aura quant à lui favorisé la levée plus précoce de certaines espèces indésirables. Le risque de développement de divers champignons pathogènes comme le dollar spot aura également été non négligeable suivant les régions. Alors que des températures extrêmes associées à une situation de sécheresse ont tendance à impliquer des humidités relatives de l’air plus faibles, il aura tout de même été remarquable de constater la nuit des rosées assez fréquentes sur l’ensemble du territoire favorisant le développement du champignon.

En effet, le risque de développement du dollar spot devient non négligeable dès que des températures moyennes atteignent 10° avec des conditions optimales de développement comprises entre 15 et 32°C (température optimale de croissance autour de 25°C pour la plupart des souches1,2).

Figure 1 : Symptômes typiques du dollar spot sur green de golf. Photographie : R. GIRAUD

Dollar Spot : Lutte préventive

Un des premiers leviers dans la lutte contre le champignon reste le choix de l’espèce d’abord puis de la variété. L’agrostide commune et l’agrostide des chiens sont moins sensibles que l’agrostide stolonifère. Les fétuques rouges représentent également une alternative intéressante4.

Pour l’agrostide stolonifère, la sélection a cependant permis d’obtenir des variétés plus résistantes au dollar spot. Le NTEP (National Turf Evaluation Program) évalue tous les 4 ans de nouveaux cultivars et leur résistance au dollar spot : il reste une référence en termes d’essais. Il est cependant nécessaire de bien s’attarder sur les résultats pour en tirer les bonnes conclusions :

En général, la résistance au dollar spot est évaluée sur différentes localisation aux USA. Plus les notes sont bonnes dans un maximum de localisations et plus la variété a de chance de bien se comporter sous différents climats. Il est alors possible de repérer les climats où la variété a été sensible et les comparer à celui de la région du golf.
Un paramètre statistique est calculé pour chaque tableau de résultats : le LSD ou la plus petite différence significative. Il permet de comparer les variétés entre elles par leur écart. Statistiquement, un grand nombre de variétés sont très souvent comparables.
En règle générale, ces résultats permettent de se faire une idée des variétés les plus résistantes mais surtout des plus sensibles. Il faut alors principalement éviter d’implanter les cultivars sensibles. Un grand nombre de cultivars récents disponibles en France se valent en ce qui concerne la résistance au dollar spot.

Figure 4 : pour les indécis : différence entre des variétés sensibles et des variétés plus résistantes sur les parcelles de l'université de Rutgers aux USA. Photographie : R. GIRAUD

Pour l’agrostide stolonifère, citons entre autres les variétés L93-XD, Tour Pro, Luminary, Barracuda, Piranha, Ignite ou encore Memorial qui représente d’excellentes références.

Pour l'agrostide des chiens, pour lequelles la sélection est moins active, citons les variétés Avalon et Villa dont la disponibilité reste cependant aléatoire.

Plus difficile de se faire une idée objective pour les agrostides communes qui possèdent toutefois une résistance naturelle plus élevée (l'écart diminuant avec la sélection avec les agrostides stolonifères). Citons néanmoins la variété Greenspeed qui a donné de bons résultats en conditions contrôlées dans des essais du STERF.

Enfin, pour les fétuques rouges, citons es variétés Bargreen II, Cezanne et Nigella qui ont obtenu de bons résultats dans les essais du STERF avec des résistances supérieures aux agrostides (4).

Pour les curieux, une vidéo du NIBIO (Norsk institutt for bioøkonomi) illustre la méthodologie utilisée pour réaliser leur screening variétal vis-à-vis de la tolérance au dollar spot.

Roulage des greens : définitivement bénéfique

Plusieurs études démontrent l’efficacité du roulage des greens lorsque celui est réalisé 5-6 fois par semaine à raison d’une fois par jour (5–8). L’efficacité est variable suivant les espèces et l’étude mais se situe en moyenne aux alentours de 50-55% par rapport au témoin non roulé.

Le roulage peut être effectué le matin ou l’après-midi sans incidence sur l’efficacité qui ne semble pas dépendre de l’effet sur la rosée mais sur une probable communauté de microorganismes favorisée par la plus forte rétention en eau induite en surface par le roulage (5).

Sur fétuque pure, les scandinaves obtiennent même 95% d’efficacité à raison de 4 fois par semaine (7). Sur agrostide stolonifère (variété Independence) l’efficacité monte également à 89% lorsque le roulage est effectué 5 fois par semaine avec 2 passages par roulage (5).

A noter toutefois une absence d’efficacité significative sur sols naturel avec maintenance fairway (9).

Fertilisation azotée : le faux-ami

La fertilisation azotée a un impact positif sur la réduction des symptômes du dollar spot. D’assez nombreuses études existent sur le sujet. La plupart convergent vers une réduction des symptômes avec une augmentation des quantités d’azote appliquées sur une saison.

Citons une étude très récente qui tente d’étudier l’impact de la source d’azote mais également des doses d’azote appliqués en foliaire tous les 14 jours (10). Seuls les apports foliaires de 29.3 kg N/ha (soit 293 kg N/ha/an) tous les 14 jours permettent une réduction significative des symptômes (70% d’efficacité par rapport au témoin non fertilisé). Il semblerait qu’un seuil de 4.5% d’azote dans les tissus foliaires permettent une réduction significative des symptômes. Seuls des apports proches de 29.3 kg N/ha tous les 14 jours ont permis d’obtenir une majorité d’échantillons avec une concentration supérieure à 4.5%.

Sur agrostide stolonifère, une étude scandinave observe 24% de réduction des symptômes en passant de 150 kg N/ha/an à 240 kg N/ha/an7. Dans cette seconde étude, les auteurs remarquent cependant les effets secondaires de cette trop forte quantité d’azote sur le développement de la fusariose froide l’hiver suivant avec une incidence de la maladie de 14% pour 150 kg N/ha/an et 30% pour 240 kg N/ha/an soit le double !

L’azote est donc bien un moyen efficace pour diminuer les symptômes du dollar spot mais la balance bénéfice/risque est largement défavorable avec des excès de croissance, une pollution environnementale et un risque plus élevé de développement d’autres pathogènes.

Une solution potentiellement intéressante serait de pouvoir obtenir les 4.5% d’azote foliaires sans pour autant appliquer des doses trop élevées d’azote (régulateur de croissance ? Des travaux restent à faire…).

Le sulfate de fer, encore !

Suite au travail effectué sur Microdochium nivale, plusieurs études ont montré l’intérêt du sulfate de fer heptahydraté sur le développement du dollar spot8,(11–14).

Pour synthétiser :

25 kg/ha tous les 14 jours semblent être le meilleur compromis en termes d’efficacité (entre 40 et 60% de réduction des symptômes). Le gain d’efficacité apporté par 48.8 kg/ha est faible par rapport à la toxicité engendrée.
Le noircissement est visible dans les 3 jours mais devient faible à 7 jours et invisible après 28 jours. Aucune incidence n’a été observée sur le développement racinaire à 25 kg/ha (14).
La phytotoxicité dépend de la variété d’agrostide (14) : il convient donc de commencer par de faibles doses pour estimer la dose tolérable par l’agrostide suivant la qualité souhaitée et l’éventuelle gêne esthétique.

En France, le fer heptahydraté est plutôt utilisé à 10-15 kg/ha pour éviter les problèmes de toxicité et de noircissement. A chaque greenkeeper d’essayer de trouver la dose qui lui convient par incrément suivant la période (noircissement raisonnable). A noter que l’efficacité du fer diminue en-dessous des 20 kg/ha.

Biocontrôle : un potentiel à exploiter mais du travail reste à faire

Différentes solutions à base de micro-organismes existent sur le marché français. Une étude française a montré que l’application d’une souche homologuée de Trichoderma harzianum tous les mois permettait une réduction du nombre de tâche de dollar spot de 30 à 40%15. La pression lors des années d’essais était plutôt faible à modérée (6 tâches/m² pour le témoin en moyenne sur une année avec 4 dates de notations sur 9 au-dessus de 15 tâches/m² et 6 tâches/m² en moyenne pour la seconde avec seulement 2 dates de notations avec plus de 15 tâches/m²).

A l’étranger, différentes publications tentent de mesurer l’efficacité de diverses souches de microorganismes (champignons, bactéries)16–18. Les conclusions sont la plupart du temps les mêmes avec une efficacité modérée lors des années de faible pression et une efficacité trop faible les années de forte pression. A noter que les fréquences d’applications sont souvent plus élevées qu’en France avec des applications tous les 14 jours ou maximum 28 jours.

Le biocontrôle reste donc une solution intéressante mais pas suffisante pour maintenir les symptômes dans l’échelle de l’acceptable. Il reste également du travail à faire pour mieux comprendre les échecs rencontrés dans certaines situations.

Opérations mécaniques : le travail de fond

Sans rentrer plus dans les détails (voir les lettres d’information précédentes) il est évident que les opérations mécaniques visant à aérer, extirper, défeutrer, décomposer les matières organiques et maintenir un niveau adéquat vont dans le sens d’une meilleure santé des plantes et limitent l’inoculum qui se conserve en grande partie dans le feutre. Les sablages réguliers permettent également de diluer l’excès de feutre produit naturellement par le gazon. Ces derniers doivent être réalisés proportionnellement à la croissance du gazon mesurable par les volumes de tonte.

Figure 5 : développement alarmant de feutre corrigé par des quantités excessives de sable lors des aérations : la situation à éviter. Il est évident que ce mille-feuille de matière organique représente une source non négligeable d’inoculum et pas seulement pour le dollar spot.

1. Smith, D. L. et al. Development and validation of a weather-based warning system to advise fungicide applications to control dollar spot on turfgrass. PLOS ONE 13, e0194216 (2018).

Romain GIRAUD, Agronome et auteur de la Clinique du Gazon

Titulaire d’un Master obtenu à la faculté de géosciences et l’école supérieure d’agronomie de Rennes, Romain travaille depuis plus de 11 ans pour l’industrie du gazon. Il a été responsable R&D pendant 8 ans chez un distributeur d’engrais/semences/produits phytosanitaires puis chargé de recherche en agronomie depuis 3 ans pour un des leaders français de la construction et maintenance des terrains de sports. Passionné par les pathologies du gazon, les outils de monitoring et la fertilisation de précision, il est également auteur du blog la « Clinique du Gazon » sur lequel il synthétise les résultats des recherches sur le gazon disponibles à travers le monde.