Conditions météorologiques
Le développement de la maladie sur le terrain dépend en partie de la météorologie et requiert les conditions suivantes :
- Des températures comprises entre 0 et 16°C avec un optimal souvent observé à 8-12°C (1).
- Une humectation foliaire prolongée favorisée par des précipitations fréquentes ou un air saturé pendant au moins 20 heures (humidité relative supérieure à 90%) (2).
Les conditions météorologiques représentent un des premiers facteurs de développement de la fusariose froide. Ici un échantillon peu actif reparti après une nuit d'incubation à 5°C dans une atmosphère saturée en humidité. Photographie : R. GIRAUD.
Des modèles d’estimation du risque de développement de la fusariose froide sont d’ailleurs désormais disponibles (via l’application Platform Garden par exemple). Le risque ou la probabilité d’apparition de la maladie peut être estimé à partir des prévisions météorologiques sur chaque site. La meilleure méthode consisterait à utiliser des données mesurées par une station météorologique placée sur le parcours (ce qui s’est vraiment passé) conjointement aux prévisions (ce qui va probablement se passer) afin de calibrer au mieux le modèle sur chaque site.
L’utilité de ces modèles réside dans le bon positionnement des fongicides de synthèse curatifs précoces (pression modérée à élevée) mais aussi et surtout des solutions alternatives ou fongicides préventifs (pression plus faible). Le nombre d’applications des solutions homologuées étant limité sur une année(par exemple le Signature Xtra Stressgard est limité à 4 applications) les modèles permettent à l’intendant de choisir les dates les plus judicieuses d’applications préventives en fonction du risque estimé plutôt que de se baser sur un programme calendaire systématique (tous les 15 jours ou tous les mois par exemple). Cette dernière méthode implique en effet des applications parfois inutiles en cas d’absence de pression.
Humidité, Rosée et humectation foliaire
Humectation foliaire et rosée
Une humectation foliaire prolongée est nécessaire pour permettre le développement du pathogène. Ainsi, toutes les opérations permettant de limiter cette humectation sont les bienvenues (baguettage, soufflage, brossage, roulage). La rosée se forme en générale la nuit pour être maximale au petit matin. Il est clair que la retirer le matin a déjà laissé la surface foliaire mouillée plusieurs heures mais c’est mieux que rien.
En ce sens, Le roulage semble être de loin la solution la plus efficace lorsque réalisé 5 fois par semaine (jusqu’à 66% d’efficacité dans les essais réalisés) (3). Le mode d’action de cette opération n’est pas encore très clair mais il semblerait que retirer la rosée ne soit d’ailleurs pas le facteur d’efficacité (4). La modification physique puis biologique de la surface expliquerait plus certainement les résultats.
Des greens lumineux et aérés : l’intérêt de l’élagage
De même, les greens les plus aérés sèchent plus vite et disposent en général d’un cumul de lumière journalier suffisant. Ils sont ainsi moins sujets au développement de fusariose froide que les greens ceinturés d’arbres. L’hiver est par conséquent la période propice à l’élagage.
Des applications (gratuites telles que Lumos, payantes telles que Sunseeker) permettent d’évaluer le nombre d’heures de soleil qu’un green peut recevoir à différentes périodes de l’année et la gêne occasionnée par certains arbres. Sans grande précision, 6 à 8 heures de soleil représentent un minimum pour une agrostide stolonifère. Des outils plus fiables permettent de mesurer la quantité exacte de lumière absorbée par jour par chaque green. Un minimum de 20 mol/m²/jour est requis pour une agrostide stolonifère alors que 30 mol/m²/jour se rapproche de l’optimal (5).
Le choix variétal, une solution efficace mais difficile à atteindre
Au-delà des critères météorologiques nécessaires, la fusariose froide est plus virulente sur pâturin annuel que sur agrostides ou fétuques rouges.
Le débat fait toujours rage entre les défenseurs de l’agrostide commune et ceux de la stolonifère mais la sensibilité dépend plus du cultivar que de l’espèce. Les résultats d’essais du NTEP, des essais scandinaves (SCANGREEN) permettent de se faire une idée sur les variétés les moins sensibles. La plupart des variétés d’agrostides de dernière génération possèdent des résistances similaires plutôt intéressantes. La liste non exhaustive suivante illustre des valeurs sûres : Proclamation, Declaration, Ignite, Barracuda, Piranha, Tour Pro, Barking, 007, T1 ou encore Flagstick.
J’insiste sur le fait que le risque le plus évident reste un tapis composé majoritairement de pâturin annuel, espèce plus sensible à la maladie. Pour preuve, les greens construits récemment et semés en agrostides sont rarement touchés avant l’inévitable invasion par le pâturin annuel. Un des premiers moyens de lutte alternative réside donc dans la conversion de flore vers les agrostides avec un mélange de variétés le plus large possible afin de profiter des qualités de chacune (dans la mesure des couleurs de chacune).
Chaque intendant sait combien ce travail d’implantation est difficile (voire impossible) et requiert patience, observation mais surtout méthode et matériel. Il reste difficile pour les budgets plus serrés tant les quantités nécessaires et le prix des graines sont élevés.
Le choix variétal, une solution efficace mais difficile à atteindre
Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus de la sensibilité du pâturin annuel à la fusariose froide comparé à l'agrostide.Dans cet exemple, une bande en pâturin annuel a dû être plaquée sur une zone constituée d'une majorité d'agrostide : le pâturin annuel est ravagé par la fusariose froide. Photographie originale : F. Lefebvre.
Le sol : milieu de vie et de conservation du pathogène
Le pathogène se conserve dans le sol sous forme de mycélium dormant et de spores depuis la fin du printemps jusqu’au début de l’automne. Des milieux riches en matière organique et notamment déchets morts de gazons (racines, feuilles) sont plus favorables à sa conservation. C’est pourquoi il est indispensable de limiter au maximum le développement du feutre ou l’accumulation de matière organique.
Le taux moyen en matière organique dans les greens en France est trop élevé : 5.4% (base de données personnelle) alors qu’il faudrait se limiter à 3-4% maximum. Des analyses régulières (1 à 2 fois par an) et au mieux à différentes profondeurs (0-2 cm, 2-4 cm et éventuellement 6-8 cm) permettent de faire le point.
Fusariose froide, feutre et fertilisation azotée
La gestion de la croissance avec la fertilisation azotée est un levier majeur pour l’intendant. Des efforts ont largement été réalisés depuis une dizaine d’années avec des plans qui restent majoritairement en-dessous de 200 kg d’azote/ha/an et qui descendent parfois en-dessous de 100 kg N/ha/an.
La fertilisation azotée devrait être ajustée régulièrement en fonction de la croissance pour n’appliquer que la quantité nécessaire :
Les produits liquides ou solubles (urée, sulfate d’ammonium, méthylène urée) se prêtent parfaitement à cette méthode de fertilisation de précision. Ils permettent d’ajuster tous les 10-15 jours la quantité d’azote à appliquer (entre 4 et 15 kg N/ha tous les 15 jours suivant la croissance de la plante et du site).
A noter qu’en hiver, il a été montré que des applications d’urée (46-0-0) à 5 kg N/ha tous les 15 jours n’augmentent pas significativement l’intensité de la fusariose froide(6). L’association avec phosphore ou potassium (équilibre 3-1-3) limite également le risque de développement par rapport à de l’azote seul. Ainsi, dans les régions où la croissance reste faible mais présente en hiver, des applications foliaires peuvent être réalisées à raison de 5 kg N/ha maximum avec une fréquence minimale de 15 jours pour faciliter la récupération de certains greens endommagés par le jeu ou la maladie.
Les apports massifs d’azote (notamment fertilisations solides) devraient être stoppés après Septembre pour limiter le risque de fusariose froide. Un gazon biberonné à l’azote à l’automne est quasi systématiquement touché par la maladie plus tard.
Certains biostimulants (notamment algues et acides aminés : il existe désormais un certain nombre de produits homologués à s’approprier) ou oligo-éléments comme le fer appliqués toutes les 2/3 semaines permettent de maintenir un visuel satisfaisant sans engendrer de la croissance lors de la période froide. Ils peuvent en général être mélangés aux engrais liquides apport N, P et K (se référer au fabricant) pour gagner du temps.
Limiter le feutre tout au long de la saison
Le développement du feutre est proportionnel à la croissance, c’est pourquoi ce dernier se forme principalement lorsque les températures sont favorables à cette dernière. Sans opérations mécaniques (notamment verticuts) et sablages réguliers, la matière ne se « dilue » pas et on voit apparaitre un millefeuille : c’est la situation qu’il faut éviter.
Les programmes de fertilisation qui dépassent les 200 kg N/ha/an ou les apports d’azote supérieurs à 25-30 kg N/ha surtout avec de l’azote soluble (formes nitrique, ammoniacale ou même uréique) favorisent les excès de croissance et l’accumulation de feutre.
De la même manière que l’azote, les top-dressings sont à adapter suivant la croissance du gazon. Le modèle de croissance cité plus haut peut aussi être utilisé pour calculer les quantités à apporter suivant la météorologie du golf. En saison de pousse, un top-dressing tous les 15 jours de 0.1 à 0.5L/m² suivant la croissance reste une base de travail optimale. Les top-dressings devraient systématiquement être associés à des verticuts.
Exemple de situation qu'il faut éviter : le millefeuille. Un empilement de sablages trop copieux suivi de périodes de forte croissance sans contrôle du feutre (trop peu verticuts et topdressings). Une vraie bombe à retardement car ce type de support implique une forte rétention en eau, un mauvais drainage et constitue un lieu de conservation parfait des pathogènes dont la fusariose froide. Photographie R. GIRAUD.
Une ou plusieurs fois par an, il est donc judicieux de faire le tour des greens avec un préleveur ou un hole-cutter pour analyser la situation pour chaque green.
A noter que l’extraction ou l’apport d’air restent les seuls moyens fiables d’extraire ou faciliter la décomposition des matières organiques. Le matériau extrait doit être remplacé par un matériau inorganique comme du sable pur ou sable mélangé avec zéolithe/céramique poreuse. Ces derniers amendements stockent un volume d’air plus important que le sable et n’apportent pas de matière organique.
Certains produits à base de micro-organismes, stimulants de la vie du sol ou encore enzymes sont disponibles. Je dirais que certains peuvent aider à la décomposition de la matière organique dans certaines conditions mais ceci reste de l’optimisation. Ces derniers doivent toujours être associés à des opérations mécaniques qui constituent la base fondamentale de la maintenance des surfaces engazonnées.